Les modifications judiciaires des pouvoirs des époux

Le régime matrimonial définit les actes que chacun des époux peut passer seul, et les actes qui requièrent l’accord des deux époux. Un certain nombre de techniques juridiques permettent d’assouplir ces règles ou de les aménager, lorsque la volonté des époux ou leur situation familiale le nécessite. Les modifications des pouvoirs des époux sont des actes graves, aussi requièrent-ils l’intervention du juge. Cette intervention a lieu dans deux sens : le juge peut accroître les pouvoirs de l’un des époux afin d’éviter la paralysie du régime matrimonial (§1.), mais il peut également les limiter afin de sauvegarder les intérêts de la famille (§2.).

§1. Accroissement des pouvoirs de l’un des époux afin d’éviter la paralysie du régime matrimonial

Deux mesures peuvent être prises en cas de crise dans le fonctionnement du régime matrimonial. Un époux peut se faire autoriser à agir sans le consentement de l’autre (art. 217 Code civil), et un époux peut être habilité à représenter son conjoint (art. 219 du Code civil)

A. L’autorisation d’un époux à agir sans le consentement de l’autre (art. 217 Code civil)

L’article 217 al. 1er du Code civil dispose que “un époux peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire, si celui-ci est hors d’état de manifester sa volonté ou si son refus n’est pas justifié par l’intérêt de la famille ”.

Cet article offre donc une solution aux situations de crise conjugale pendant laquelle l’un des époux peut empêcher la conclusion de certains actes, sans que son refus ait un quelconque rapport avec l’intérêt de la famille

Il permet aussi de ne pas déclencher toute une procédure de mise sous un régime d’incapacité de l’un des époux âgés, tout en permettant de conclure un acte nécessaire.

L’acte passé par le conjoint autorisé par la justice produit les mêmes conséquences que si le conjoint avait donné son accord exprès. Mais l’alinéa 2 du même texte prévoit toutefois une limite : il ne doit pas résulter de cet acte une dette ou une obligation personnelle à la charge de l’époux qui n’a pas volontairement participé à l’opération.

B. L’habilitation de l’un des époux à représenter l’autre (art. 219 Code civil)

L’article 219 al. 1er prévoit que “ si l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre peut se faire habiliter en justice à le représenter, d’une manière générale ou pour certains actes particuliers, dans l’exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et l’étendue de cette représentation étant fixées par le juge ”. Il s’agit là d’une mesure applicable à tous les régimes matrimoniaux sans exception, et qui constitue un palliatif à des mesures de protection de l’incapable.

Les techniques mises en œuvre par les articles 217 et 219 tendent toutes deux à éviter le blocage du régime matrimonial. Mais elles sont différentes. L’article 217 joue lorsque l’acte que l’on se propose de passer requiert le consentement des deux époux. L’article 219 en revanche permet à l’un des époux de représenter l’autre et donc d’agir au nom du conjoint empêché. L’article 219 réalisant une véritable représentation, le patrimoine du représenté peut s’en trouver affecté.

§2. La limitation des pouvoirs d’un époux en vue de sauvegarder les intérêts de la famille

Le Code civil prévoit également des règles pour limiter les pouvoirs d’un époux qui, par ses agissements, met en péril les intérêts de la famille. Les articles 220-1 à 220-3 organisent une intervention judiciaire.

L’article 220-1 al. 1er prévoit que “ si l’un des époux manque gravement à ses devoirs et met en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts ”.

Le texte prévoit que le juge peut prescrire “ toutes les mesures urgentes ” et l’alinéa 2 du même texte énumère à titre d’exemple l’interdiction de disposer de certains biens, ou de déplacer certains meubles. Mais d’autres mesures peuvent être prises, comme par exemple l’interdiction d’utiliser un véhicule automobile. Ces mesures doivent être temporaires et leur durée ne peut excéder 3 ans. Lorsque le juge prononce une interdiction de disposer de certains biens, l’article 220-2 prévoit une publicité de cette interdiction, et la violation des mesures prescrite est sanctionnée par la nullité des actes conclu en violation de l’interdiction.

En outre, la loi n°2004-439 du 26 mai 2004, dans son article 22-1, a ajouté à l’article 220-1 l’alinéa suivant : « Lorsque les violences exercées par l'un des époux mettent en danger son conjoint, un ou plusieurs enfants, le juge peut statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal. Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences. Le juge se prononce, s'il y a lieu, sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et sur la contribution aux charges du mariage. Les mesures prises sont caduques si, à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de leur prononcé, aucune requête en divorce ou en séparation de corps n'a été déposée. Le dernier alinéa, précise, comme précédemment, que « La durée des autres mesures prises en application du présent article doit être déterminée par le juge et ne saurait, prolongation éventuellement comprise, dépasser trois ans. »

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